
Le futur du commerce: la grande polarisation
Tout comme l’industrie du disque, du film, des médias, de l’hôtellerie, des taxis et des [insérez votre secteur ici] l’ont fait avant eux, les commerçants sont entrés dans une phase de difficultés et d’incertitudes. Et les commerçants suisses n’y échappent pas.
Depuis la naissance d’Internet, à chaque fois qu’une industrie se réveille dans une réalité qui la dérange, le digital est pointé du doigt. Nommé ennemi public numéro 1, responsable de tous les maux. En effet, après une première phase de déni, ces acteurs “disruptés” vont très rapidement faire appel à des mesures protectionnistes pour légiférer et protéger leurs marchés. Dans les affaires comme en politique, l’autoritarisme et la volonté de revenir au bon vieux temps du “comme avant” est souvent la solution la plus confortable.
L’air du temps mêle une infinie foi dans le déterminisme technologique avec des espoirs naïfs dans le solutionnisme. Alors en effet, l’uberisation et la concurrence déloyale font de bons coupables. Toutefois, chez Enigma nous croyons à une autre histoire. Nous pensons que cette vision du monde révèle un énorme angle mort socio-économique.
Notre recherche sur le terrain et notre analyse de données racontent une autre réalité. Nous voyons une société qui change profondément. Très loin de l’architecture sociale et économique du 20e siècle.

Les nouvelles habitudes se propagent
Prenons les boutons Amazon Dash pour le réapprovisionnement automatique qui en sont la parfaite illustration. Pour certains types de produits, comme les articles de nettoyage, l’automatisation se justifie tout à fait. Nous avons vu également de nouvelles start-up proposer la livraison de courses à domicile, en fonction de la saison ou des données de santé et de sport transmises par nos “wearables”. Nous donnons à ces automatisations le nom de “personnalisations de masse”.
Dans certains marchés, les achats sont de plus en plus liés aux voyages. Avec la tendance du bleisure (business + leisure), les consommateurs profitent de voyages d’affaires prolongés pour explorer des destinations et faire des achats dans de nouvelles échoppes. Combien de fois êtes-vous restés plus longtemps sur place après un déplacement professionnel, pour faire du shopping et profiter de quelques bons restaurants? Derrière cette tendance se trouve une nouvelle réalité: aujourd’hui, les magasins ont une concurrence qui s’étend bien au-delà de leur zone de chalandise traditionnelle.
Avez-vous remarqué le nombre de pendulaires qui font leurs achats dans les gares? Cela révèle une autre tendance: l’alignement des produits de type épicerie/superette avec la mobilité. Ce trend révèle la façon dont led nœuds de mobilité deviennent de plus en plus des nœuds commerciaux. Avec des routes et des villes encombrées, la technologie mobile nous a permis de mieux utiliser les temps de déplacement. Par conséquent, elle a rendu les transports en commun plus fonctionnels pour beaucoup de gens. Cette réalité est en train de refaçonner notre désir pour des services de transport interopérables, rapides et où les achats correspondent à un vrai gain de temps. En Suisse, cette tendance est également amplifiée par la conception tristement conservatrice des heures d’ouverture des magasins.
Comprendre la nouvelle relation entre les courses et le shopping
Au cœur de ces changements, on voit un triangle d’or. Il montre des interactions de plus en plus complexes entre la façon dont nous vivons, dont nous travaillons et comment nous nous déplaçons. Logement, travail, mobilité. Ces piliers vivent un changement massif où leurs limites historiques, nées au 19e siècle, ne sont pas seulement remises en question, mais carrément précipitées l’une dans l’autre. Et les commerçants sont au cœur de ce cyclone multidimensionnel.
Parfois, vous avez envie de faire du shopping. Et parfois, vous n’avez pas le choix, vous devez le faire. Accepter cette tension est la première clé pour comprendre les changements en jeu aujourd’hui. Comme le credo d’énigme l’affirme, nous croyons que tout ce qui peut être automatisé le sera. C’est par exemple là que beaucoup de startups et de géants comme Amazon sont très actifs. Pour les commerçants traditionnels, cela soulève des questions fondamentales. Quels sont les moments où les contacts humains sont les plus précieux et les plus essentiels? Quelles sont les récits d’achats “corvées et plaisir” susceptibles d’être amplifiées par les données? Quelle partie de l’expérience nécessite l’empathie et le soin d’une relation humaine?
Répondre à ces questions nécessite de comprendre les tendances sociographiques et les nouveaux récits au coeur de la façon dont la société évolue aujourd’hui. Ce qui est logique pour un certain groupe de clients pourrait être très différent pour un autre. Sur la base de leurs contextes et de leurs relations avec les marques et les produits, la compréhension de ces différentes histoires est essentielle pour créer de nouvelles expériences client. Nous passons d’un monde construit autour de la voiture vers un monde centré sur nos téléphones mobiles. Aujourd’hui, comprendre la mutation de nos façons de se déplacer, travailler et acheter est plus que jamais essentiel pour innover.

Designer une expérience d’achat humaine
Nous croyons sincèrement qu’il y aura un avenir pour les commerçants. L’automatisation et la livraison ne suffiront pas. Bien qu’il y ait des achats loisirs et des achats corvées, notre plaisir d’errer dans les rues et de tomber par hasard sur l’inattendu ne disparaîtra jamais.
Si les commerçants peuvent imaginer des futurs profitables, ils doivent cependant changer quelque chose dans leur approche. Tout d’abord, il faut accepter qu’il y a des moments où les consommateurs veulent juste obtenir ce dont ils ont besoin, le plus rapidement possible. Dans ces domaines où “pratique” est le maître mot, l’automatisation, la livraison ou les achats pendulaires vont probablement gagner sur le commerce de détail traditionnel. À moins que les commerçants les plus intelligents ne trouvent un moyen inédit de transformer les achats corvées en achats plaisir.
L’autre objectif est donc de se concentrer sur les moments de plaisir et de les rendre plus humains. Transformez ces moments en expériences humaines et émotionnelles. Concevez-les si bien que personne ne choisira une solution automatisée ou déshumanisée plutôt que votre offre. Utilisez le pouvoir de l’interaction humaine partout où cela a un sens.

En fin de compte, les commerçants qui survivront sont ceux qui réussiront à se concentrer sur les besoins de leurs clients et leurs attentes émotionnelles. Se contenter de mettre à disposition des produits en supposant que vos clients les souhaitent ne suffira plus.
“Plus facile à dire qu’à faire”, c’est probablement ce que vous pensez maintenant. Oui, vous avez raison. Mais où serait le fun si ce n’était pas difficile? Comment pourriez-vous être plus forts que vos concurrents? Avez-vous des difficultés à faire travailler l’humain et l’automatisation ensemble? Avez-vous du mal à trouver la proposition de valeur parfaite? Essayez-vous de lire l’esprit de vos consommateurs? Posez-nous vos questions, nous sommes là pour vous aider.
Cover image credit — CFF
Merci à Romain Pittet pour son talent à synthétiser le fond de ma pensée dans des délais très courts.