La lex Booking.com et l’hostilité des hôteliers suisses
Tout récemment, le parlement suisse a contraint le gouvernement à mettre en place une loi qui empêche Booking.com de pouvoir garantir le meilleur prix pour des offres d’hôtels suisses. Le secteur hôtelier voit ça comme une victoire acquise grâce au lobbying après avoir mis suffisamment de pression sur les politiques. Mais est-ce vraiment une victoire pour eux? Et pour leurs clients?
Et bien, je pense qu’il est très dommage de voir les lobbys facturer d’énormes honoraires pour forcer le gouvernement à retourner au siècle dernier. C’est triste: on dirait que le marché hôtelier refuse d’admettre que le monde est en train de changer. Bien sûr,je reconnais que Booking.com est devenu l’un des acteurs phares sur ce marché et que ça le place en position de force face aux hôtels.
Mais ce n’est pas ça le vrai défi. La dure réalité, c’est que les hôtels suisses ne font plus partie des meilleurs. Comme la majeure partie de leurs équipes vient de l’étranger, la petite touche locale a disparu. Les tarifs suisses sont également bien plus élevés que d’autres destinations européennes de vacances. Dernier point mais non des moindres, seuls très peu de sites web d’hôtels utilisent des technologies à jour ou des procédés de réservation qui plaisent aux clients.
Et l’expérience client dans tout ça ?
Examinons un peu le parcours d’un client potentiel. D’abord, la recherche commence en ligne. Le futur hôte va taper une recherche sur Google, quelque chose comme “Hôtel Interlaken” ou “Hôtel Montreux”. Comme le business model de Booking lui permet de toujours se retrouver à la première place (payée) dans les résultats Google, la plupart des prospects finiront par atterrir sur cette plateforme.
Et c’est une bonne chose puisque Booking.com a étendu ses services non seulement à une offre des meilleurs tarifs disponibles, mais aussi à une comparaison simple et facilitée des offres d’hébergement. La plateforme est basée sur des algorithmes complexes et sur du big data (à propos, ceux-ci ont été créés par de brillants esprits qui ont réinventé l’expérience du voyage touristique) qui offrent des résultats de recherche incroyablement précis et, bien sûr, des tarifs avantageux.
Qu’est-ce qui se passe après? Booking fournit un login et offre aux hôtes une expérience de réservation agréable et sans obstacles. Eh oui, pour la plupart des hôtels, Booking.com a réglé un problème: celui d’un processus de réservation en ligne assez mauvais. Je pense sincèrement que les hôteliers devraient féliciter Booking, et même le payer pour leur avoir offert une fonctionnalité qu’eux mêmes ont rejeté. Mais ils préfèrent se battre contre eux.
Le meilleur des deux mondes
S’ils étaient assez malins pour accepter cette aide, les hôteliers pourraient économiser énormément de temps et d’argent. Et ils pourraient investir ces ressources supplémentaires dans la création d’une superbe expérience en ligne que, soyons francs, seuls très peu d’hôtels suisses proposent aujourd’hui.
Bien sûr, la Suisse offre de magnifique paysages. Bien sûr, elle a la réputation d’un endroit où “il faut être allé un jour”. Mais ni ses tarifs, ni son sens de l’hospitalité ne gagneraient un Oscar aujourd’hui. Je ne vais pas critiquer toute la Suisse ni tous les hôtels, il y a certainement des exceptions.
Je pense donc qu’il serait judicieux pour les hôteliers d’inclure Booking.com dans leur business model et pourquoi pas aussi l’existence d’Airbnb, tant qu’ils y sont. Beaucoup d’industries se sont fait disrupter ces dernières années et il y en aura encore d’autres.
Ils ont gagné une bataille, pas la guerre
Au lieu de se réjouir de cette récente victoire politique discutable, l’hôtellerie suisse devrait se rendre compte que la loi va dégrader l’expérience d’achat pour les clients, puisqu’elle doit interrompre le flux de réservation en ligne. Les hôteliers devraient plutôt se préoccuper de la façon qu’ils ont de satisfaire leurs hôtes.
Demander aux prospects de se rediriger vers le site web de l’hôtel après avoir choisi sur Booking.com le lieu où ils voulaient séjourner ne semble pas être la meilleure façon de faire. Surtout qu’en général, ces sites d’hôtels proposeront une expérience de réservation et de paiement peu satisfaisante, puisqu’ils ne pourront ou ne voudront pas utiliser les meilleures pratiques ou les dernières technologies.
Tout le monde est habitué à l’utilisation de plateformes qui ont coûté des millions de dollars. Comme par exemple Booking.com, Uber ou d’autres. Le confort qu’elles proposent cela devrait compenser le petit goût amer laissé par les tarifs cassés proposés par booking. Laissons les hôtes libre de choisir leur solution de réservation.
Le vrai combat, c’est l’expérience hôtelière
Imaginons qu’une cliente vienne dans un hôtel en passant par Booking.com. Et que cet hôtel lui offre une expérience de vacances vraiment inoubliable. Et bien, cette hôte voudra sûrement revenir un jour. Et la prochaine fois, l’hôtel aura déjà toutes ses informations avant même qu’elle n’arrive, elle n’aura donc aucune formalité administrative à refaire.
Booking.com ne sera plus utile puisqu’elle ne sera plus une nouvelle cliente. Désormais, ce sera une amie proche de la famille – c’est là que que l’expérience dépasse ce que Booking.com peut offrir et c’est ça qui doit devenir le but de l’excellence suisse.
Mais j’ai bien peur qu’il reste à l’hôtellerie une longue et pénible route à parcourir avant d’y arriver.